Briser les tabous de la maternité

“Elle dit qu’elle ne veut pas d’enfant.
– C’est parce qu’elle n’a pas encore trouvé LE BON.
– C’est parce qu’elle est encore trop immature.
– C’est vraiment égoïste”

“Elle dit qu’elle n’aime pas son rôle de mère, que c’est vraiment difficile.
– Quelle honte, avec tous les moyens de contraception, elle n’avait qu’à pas en faire alors.
– Pauvre enfant.”

Dans notre société, on a beau dire que chacun fait ce qu’il veut, il est un sujet sur lequel tout le monde à son avis : la maternité.

Face à la maternité, il y a 3 types de femmes :
– Celle qui ne veut pas d’enfant
– Celle qui rêve d’avoir des enfants
– Celle qui ne s’est pas posé la question tant ça parait logique

Si ça semble couler de sources, c’est parce que la société dans laquelle nous évoluons à un rapport
bien particulier à la mère. Comme si une femme n’était vraiment femme et adulte qu’après avoir donné la vie. Les petites filles sont presque conditionnées à vouloir des enfants. D’ailleurs : « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ».

Nous sommes dans ce modèle sociétal, duquel on se rapproche ou duquel on s’écarte, mais qui ressemble toujours à ceci : faire des études, trouver un travail, se marier, acheter une maison, avoir un chien, faire un bébé, et puis un deuxième (si possible, un garçon et une fille)…

C’est caricatural pas vrai ? Evidemment que ça l’est, mais vous comprenez l’idée.

Dans cette maternité rêvée/forcée, encore deux types de femmes :
– Celle pour qui ça coule de source
– Celle pour qui c’est la désillusion

Evidemment, tout un panel de dégradés entre ces deux-là, rien n’est jamais tout noir ou tout blanc, 50
nuances de gris.

Je ne suis pas sûre qu’elle soit majoritaire pourtant, la seule popularisée, médiatisée, mise en avant,
c’est la mère épanouie. Celle qui a trouvé un sens à sa vie avec l’arrivée du bébé.
Celle qui a eu le coup de foudre, qui s’est épanouie à l’instant où ses yeux ont croisés ceux de ce
magnifique petit bébé. Celle pour qui “c’est fatiguant mais ce n’est que du bonheur”.

C’est de celle-là que découle tous les tabous autour de la maternité. Pas qu’elle soit coupable de quoi
que ce soit, mais parce qu’en ne parlant que d’elle, on a interdit à toutes les autres d’exister.

On a condamné au silence éternel :
– Celle pour qui c’est fatiguant ET dur
– Celle qui se sent coupable H24

– Celle qui a l’impression d’être une incapable
– Celle qui ne se reconnait plus et qui vit dans l’angoisse
– Celle qui regrette sa vie d’avant
– Celle qui se dit qu’elle n’était peut-être pas faite pour être mère

– Et toutes celles qui ne nagent pas dans un bonheur quasi permanent

Vous me suivez ? Allons voir de plus près ces tabous autour de la maternité.
Les grands vilains loups de la mère.

Le coup de foudre universel

Le premier c’est bien celui là : quelle femme enceinte n’a pas rêvé de cette rencontre des plus mystique, digne des grands films hollywoodiens ?

LA RENCONTRE, ses yeux dans les siens, des étoiles et des arcs en ciel qui les entourent, une musique de fond qui inspire l’amour, le feu d’artifice de ce premier regard et l’amour instantané, divin qui les submerge. Une mère et son bébé en pleine communion.

Les traumas de l’accouchement oubliés en un instant, comme s’ils n’avaient jamais existé.

Quand ça arrive, c’est WAOUW.

Et quand ça n’arrive pas ? Tant de questions, de remises en question :
“Suis-je normale ? Suis-je un monstre ? Pourquoi ne suis-je pas comme toutes les autres ? Est-ce que je mérite d’être mère ?…”

Pourtant derrière ce phénomène, de la chimie : une décharge intense d’ocytocines libérées par le cerveau pour créer ce moment divin.

De grandes difficultés lors de l’accouchement, un stress intense, un traumas, des câbles branchés partout, autant de facteurs responsables d’un manque d’ocytocine au moment de la délivrance.

Dans tous les cas, à retenir :
Aucune femme n’est responsable de ce moment. Cela ne défini en rien la capacité à être mère. Ce lien spécial entre une mère et son bébé SE CONSTRUIT tous les jours.

Le corps

Une chose est sûre, face à dame nature, on n’est pas toutes égales en terme de récupération.
Le corps, son énergie, sa forme “initiale”, sa remise en route “normale”, tout autant de facteurs imprédictibles avant de l’avoir vécu.

Même si les femmes dévoilent de plus en plus leur bidon post accouchement, cela reste assez surprenant quand on se retrouve devant la glace.

Je me rappelle, après mon accouchement, avoir gardé le ventre d’une femme enceinte de 7 mois pendant une bonne semaine. Je ne m’y attendais pas. Je pense avoir mis 5 mois à retrouver un corps qui se rapproche plus ou moins de ce qu’il était avant. Et c’est normal.

L’autre élément relatif au corps qui est véhiculé et pourtant bien loin de la vérité, c’est que le postpartum dure le temps du retour de couche, l’arrivée des premières règles à savoir entre 8 semaines et 8 mois.

Chez certaines femmes, principalement allaitantes, le cycle menstruel reprend son cours autour de 18 à 24 mois parfois.
Mais surtout, qu’elles soient allaitantes ou non, le post partum dure environ 3 ans.
Le corps a subi un traumatisme progressif qui a duré 9 mois. Il a ensuite accouché, on appelle ça « la délivrance », ce n’est pas anodin. Et l’événement à pu être aussi fluide que traumatique selon les femmes.
Ensuite il reprend son utilité première, cherche à reprendre une forme initiale, à reprendre un fonctionnement, il y a du changement au niveau hormonal, neuronale et psychologique.
Tout ça ne prend pas entre 8 semaines et 8 mois pour se remettre : le post partum dure 3 ans. 3 ans, le temps approximatif qu’il faut à une mère pour (re)trouver l’équilibre.

L'apothéose d'une vie, d'un couple

On a cette vision un peu rêvée : Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.
Alors, quand on rencontre l’amour, le grand, le beau, le vrai, avoir un bébé, c’est créer une famille, unir deux êtres à tout jamais, faire naitre le résultat de cet amour si profond.

Un bébé serait la consécration d’un couple qui s’aime.

Ce qu’on ne dit pas, c’est qu’un couple qui s’aime, c’est 1+1=2 voire pour certains 1+1=2=1
Et on entre avec une nouvelle équation, 1+1=3… Et le bateau prend l’eau.

Parce que le couple s’est construit à deux et que tout à coup, il y a un troisième être dans l’équation. Bien souvent, on imagine le bébé comme un prolongement de deux. Dans l’imaginaire, voire dans le
fantasme du couple, le bébé est presque un accessoire de l’amour qu’ils ressentent.

Mais tout à coup, les cartes sont redistribuées, les rôles sont bousculés, les habitudes chamboulées, la fatigue insoutenable, les nerfs en pelotte.
Il y avait deux amoureux, il y a maintenant maman et bébé, papa et bébé, maman, papa et bébé. Parfois, il y a papa tout seul ou maman toute seule et on a du mal à trouver de l’espace et de l’énergie
pour maman et papa.

C’est déroutant. C’est renversant. C’était inattendu. Et ça crée des tensions et des doutes.

Des doutes comme :
– Peut-être qu’au fond, on était pas fait pour être ensemble

– Je crois que je ne l’aime plus
– On arrive plus à s’entendre
– On est plus sur la même longueur d’onde
– Je ne veux pas vivre comme ça le restant de mes jours

Mais voilà, c’est ce que traverse la grande majorité des couple. Même ceux qui s’aiment comme des fous. Parce qu’un bébé déséquilibre le couple.
Et ça peut-être un grande opportunité de resserrer les liens, de grandir, de renforcer le couple. Mais pour ça, il faut être conscient que c’est une étape normale dans la recherche du nouvel équilibre.

Parfois, on croit qu’un bébé, c’est la cerise sur le gâteau d’un couple qui s’aime. Et la cerise écrase le gâteau. Mais ça ne signifie pas que le gâteau ne mérite pas d’être dégusté.

L'instinct maternel

Le fameux instinct maternel, c’est celui qui dit que les femmes ont “ça” en elles. Qu’elles “savent” ce qu’il faut faire, qu’elles “sentent” ce dont bébé a besoin.

Sauf que quand elles ne savent pas ? Elles pensent que c’est elles le problème.

On dit quelque chose aujourd’hui qui lève un peu le tabou à ce sujet :
“On ne nait pas mère, on le devient”. C’est un bon début. Personnellement, j’avais toujours compris cette phrase dans le sens du “faire”.
Comme si on ne savait pas d’avance comment changer une couche, nourrir son bébé, le laver, le coucher etc mais que c’était des choses qui s’apprenaient.

Je n’imaginais pas qu’en tant que mère, je pourrais me retrouver démunie devant des pleurs, incapable de comprendre ce dont mon bébé avait besoin, incapable de trouver un rythme qui nous
convienne à tous les deux, incapable de savoir quoi faire de nos journées.

L’instinct maternel n’existe pas.

Il y a juste des femmes qui ont été tellement en contact avec des bébés depuis toutes petites qu’elles ont intégré des choses inconsciemment.
Ce n’est pas de l’instinct ou de l’intuition de mère, c’est de la compétence intégrée et inconscientisée.

Il y aurait encore tant à dire, mais vous êtes arrivées jusqu’ici et c’est déjà bien courageux.
Ce qu’il y a à retenir de cet article c’est ceci : la maternité heureuse universelle n’existe pas.

Être mère, c’est ressentir tout un tas de sentiments ambivalents, entre l’amour et la culpabilité. Entre l’incompréhension et le dévouement. Entre le besoin de liberté et de tout donner. Entre regret d’une vie passée et réconfort d’un sourire de bébé.

Le couple traversera la tempête de l’équilibre mais survivra si vous en êtes conscients à deux.
Il faut du temps, beaucoup de temps pour revenir à un état de stabilité.

Le post partum dure 3 ans. À la fois une éternité et un claquement de doigts.

Alors osez parler. Osez demander de l’aide. Osez faire entendre votre voix. Osez sortir des carcans habituels qui ne vous conviennent pas. Osez créer votre nouveau monde de toute pièce.

Soyez patiente et douce envers vous même, autant que vous souhaitez l’être avec bébé.

 

Aurélie Rizzo